Témoignages, commentaires et critiques

On découvre là le fruit de patientes recherches, l’aboutissement d’un long travail préparatoire d’analyse et de synthèse qui réussit à exprimer davantage et mieux, tout en conservant intact le bénéfice d’une exécution libre et franche.

J’ai beaucoup aimé, à côté de trophées d’instruments de musique et d’objets exotiques, cette harmonieuse petite nature morte où une pomme voisine avec une tasse de porcelaine ancienne sur laquelle la caresse du jour fait passer comme un frisson d’or. A noter également l’intéressante et suggestive “ symphonie masculine ”, dirait-on volontiers, que l’artiste a composé à l’aide d’éléments bien simples : un chapeau de feutre, une paire de gants, un foulard de soie, un cendrier et que rehausse la note précieuse d’un bibelot chinois.

L’œil enregistre avec joie la coexistence si rare de tant de mesure, d’équilibre et de sensibilité aiguë et fraîche.

Arnauld de Corbie, 1943

Au cours d’une carrière déjà longue, je n’ai jamais vu un artiste environné d’un tel rassemblement de livres ; monographies des grands maîtres de l’art, journal de Delacroix, traités d’architecture et de décoration, étude sur le dessin, la technique de la peinture, dictionnaires, manuels, précis, toute une bibliothèque d’artisan amoureux de son métier et qui entend ne rien négliger pour en connaître les procédés, les bases matérielles, l’histoire. Et puis, encore, des rayons où l’ouvrage de philosophie rationnelle voisine avec ceux des mystiques, où FREUD côtoie JUNG et celui du Dr HESNARD, pour donner à ressentir l’inlassable curiosité d’un esprit habitué à la tentation de déchiffrer les énigmes de l’univers, les mystères du conscient et de l’inconscient, c’est-à-dire de soi-même.

Maximilien GAUTHIER “  Bulletin CREUZE ” 06 janvier 1956

J’ai depuis fort longtemps remarqué la démarche de Regner, la volonté qui anime ce peintre partant à la recherche, à la découverte de son moi. Les premiers tableaux que je vis de lui dénotaient un “ caractère ”, mais ils n’étaient que des travaux d’approche. Le voilà maintenant en pleine possession de ses moyens.

De l’enchevêtrement sinueux d’un tracé mené secrètement, une ligne de force s’échappe et situe fermement la forme essentielle. Des courbes et des contre-courbes s’équilibrent et répondent au ton. C’est une élaboration savante, mais la méditation, la combinaison des éléments qui serpentent ne retirent rien à la sensibilité de l’auteur. Ses peintures symphoniques s ‘écoutent et se lisent. Elles sont rythmées par les battements du cœur.

Jean CHABANON, 12 janvier 1956 “ Le peintre ”

L’étude très poussée de la psychologie et de la psychanalyse l’ont conduit à rechercher le choc émotionnel dans le subconscient, d’où lui vient l’inspiration, c’est ainsi qu’il commence un tableau les yeux fermés, réalisant le véritable dessin automatique des surréalistes. Surréaliste, il l’est devenu complément, mais d’une manière très personnelle qui n’a rien à voir avec les Salvador Dali, Labisse ou Magritte. Ses compositions en puzzle sont, dit-il une résultante de la loi du cadre des artistes du moyen-âge et Regner croit maintenant que l’inconscient doit être à la base de toute construction artistique. C’est en tout cas une formule très heureuse, car à son dessin parfait il ajoute des harmonies de couleurs exquises des bleus, des violets ;, des jaunes des verts, en aplat avec ses figures emboîtées dans comme un puzzle il obtient un équilibre étonnant.

May Tamisa, 26 janvier 1956 “ Agence quotidien ”

Personnel, soutenu par des bases solides, l’art de Regner est un art de choc, un art qui n’admet pas les concessions. Regner médite longuement ses compositions avant de les transporter sur la toile, les lignes qu’il trace selon une fantaisie raisonnée délimitent les figures, des volumes, encerclent une matière solide aux accords toujours puissants. L’ensemble participe d’un certain surréalisme très personnel.

Pierre Imbourg, 10 février 1956, “ Journal de l’amateur d’art ”

La très belle étude de Georges Turpin qu’on peut se procurer aux Editions Debresse constitue le témoignage du passé artistique de Regner, mais elle n’apporte plus rien à sa nouvelle manière : dois-je dévoiler toujours ma pensée ? Elle gène à sa compréhension, à sa pénétration ; quand un artiste est déjà assez grand pour renouveler entièrement sa conception créatrice, quand il est assez fort pour écarter définitivement une époque de sa vie (qui fut riche et qui eut du succès) pour suivre une voie totalement différente, il est nécessaire de faire à son instigation un même effort en n’essayant pas de retrouver dans son œuvre nouvelle ce qui peut plaire dans l’ancienne mais en allant, au contraire de l’avant.

Avec Regner, l’entreprise est périlleuse car son art est si souple, si vaste, qu ‘il est pratiquement inaccessible : un trait d’une finesse sans égale, des arabesques fluides qui semblent des êtres, que la peinture créée, aux choses matérielles d’ici-bas, bien inextricable, accablement d’un être vivant et sensible qui a perçu que la matière colle à l’homme comme une seconde peau : tant qu’il vivra…

Psychologie profonde, sure d’elle qui nous pénètre sans pudeur. Peintre d ‘émotion, de sensation, de poésie, Regner n’a pu négliger le thème d’une passion et il a réussi alors l’une de ses toiles maîtresses de cette exposition : comment décrire la puissance d’évocation, la symphonie “ liturgique ” de son Christ séparé de la Croix.

Il reste à parler des couleurs, des teintes, des éclairages : la palette de REGNER ignore les teintes mièvres, les compositions fausses : elle va à tout ce qui est vie ou manifestation de mouvement : ce sont des gammes étendues de rouges, d’ocres, de verts, de mauves, d’une profondeur et d’un éclat saisissants.

Yves LEROUX, 12 février 1956, “ La Croix de Seine & Marne ”

A.G REGNER est collectionneur… Collectionneur de coquillages ou de Cathédrales… Il est chercheur… Il découvre des champignons, comme il découvre de jeunes talents. Mais avant tout, REGNER est peintre… Vrai peintre… Emetteur de messages ; des fois, ces messages sont clairs, des fois ils sont codés… Mettre votre récepteur à sa plus haute sensibilité et vous allez les capter… et vous allez changer… Vous ne serez plus jamais tout à fait le même qu’avant.

Lars BO, mai 1980

Tout commence sur des blocs-notes qu’il remplit de traits en laissant sa main courir en toute fantaisie. Ces griffonnages, il les lit quelques jours plus tard et parfois y découvre les lignes du futur tableau. Procédé déjà connu, dira-t-on : d’autres suivant le conseil de Léonard de VINCI, n’ont-ils pas inventé leur sujet en considérant une tache d’encre ou la lèpre d’un mur ? Mais ces lignes, REGNER les conserve, mû par le respect du subconscient. Nous les retrouvons retracées fidèlement sur l’œuvre achevée comme des lignes génétiques, comme des éléments d’animation, comme un filet jeté sur les personnages pour créer une symbiose. Il a écrit : “ j’éprouve … le sentiment d’être intégré dans une vaste machine … Tout mouvement excentrique est rendu impossible… Il faut rester à sa place et servir le mouvement général. Ce qui donne le droit d’occuper un espace vital strictement limité. C’est ce que je cherche à suggérer par les compositions en puzzle, qui sont également une résultante de la loi cadre des artistes du Moyen-âge. Coïncidence : ce puzzle, le peintre le porte en ses jambes fracturées cinquante fois dans un accident et reconstituées par son frère, éminents chirurgiens osseux. Le sujet ainsi trouvé, les lignes essentielles marquées. REGNER se livre au classique travail cérébral d’organisation : balancement des masses, choix et harmonisation des teintes, lits de couleurs préparatoires ; Vient le moment exaltant, la peinture proprement dite. Il crée la couleur rare, éclatante ou mystérieuse qui fonde tout. Puis, c’est le jazz des couleurs syncopé par la fantaisie dansante des lignes. Et cependant, tout demeure contrôlé, lié.

Abbé Jean MARIE, Été 1985, “ Art en basse Normandie ”

Nous avons travaillé ensemble dans le même bureau de dessin à Calais pendant les années qui ont précédé son service militaire.

Je lui en garde une reconnaissance que la mort n’éteindra pas. J’ai connu par lui le surréalisme, l’occultisme et la psychanalyse alors à ses débuts, mais je dois dire que je ne l’ai pas suivi entièrement dans cette voie. Toutefois, la divergence de nos convictions n’a nullement altéré notre amitié. Il avait toujours un grand respect pour les idées des autres montrant par là qu’il les comprenait.

Il fut un très grand artiste, chacun le sait, mais ce que j’admirais en lui et qui selon moi faisait sa grandeur, c’était sa droiture et son cœur.

Père BONAVENTURE Abbaye des Dombes, lettre du 1er octobre 1987